Pyodermite cutanéo-muqueuse chez un croisé Berger Allemand de 11 ans

Article paru dans le monde vétérinaire

Une chienne croisé Berger Allemand de 11 ans est présentée pour des lésions périoculaires
et nasales. L’examen dermatologique est en faveur d’une pyodermite
cutanéo-muqueuse. Les examens complémentaires confirment ce diagnostic. Le
traitement repose sur l’administration per os de céfalexine associée à un topique
antibactérien à base d’acide fusidique ; la présentation clinique sera discutée.

Introduction

Autrefois confondue avec l’impétigo (1), cette affection fait partie des pyodermites de surface et touche les jonctions cutanéo-muqueuses, elle est peu fréquente et semble
prédisposée chez les Bergers Allemands. Cet article décrit le cas d’un chien avec une forme naso-latérale et péri-oculaire de pyodermite cutanéo-muqueuse.

Signalement – Commémoratifs

Il s’agit d’une chienne de type croisé Berger Allemand, femelle stérilisée, âgée de 11 ans. Elle est correctement vaccinée et vermifugée. Son alimentation se compose de
croquettes industrielles de bonne qualité. Les propriétaires ne présentent aucune lésion, et l’animal vit seul à la maison avec libre accès à l’extérieur. Aucun voyage à l’étranger n’est signalé dans les 5 dernières années.

Anamnèse

A l’âge de 8 ans, la chienne a présenté des lésions cutanées, bilatérales au niveau des paupières inférieures. Les lésions ont débuté par de l’érythème au niveau du coin des yeux pour laisser place à des lésions excoriatives, ulcératives, croûteuses et exsudatives. A ce jour, des lésions croûteuses sont également présentes au niveau de la narine. Les différents traitements topiques associés à des injections
d’antibiotiques et de corticoïdes n’ont apportés que des rémissions temporaires.

Examen clinique

L’état général est bon, les ganglions sous maxillaires sont augmentés de deux fois la taille et de consistance normale.

Examen dermatologique

Examen à distance

Les lésions sont localisées principalement au niveau des canthi médians des yeux de manière bilatérale et non symétrique. Les régions péri-nasales gauche et droite
présentent également des lésions.
Aucune lésion au niveau des lèvres n’est notée.

Examen rapproché

Il révèle des ulcérations en forme de triangle du coté gauche et des croûtes des canthi des yeux. La truffe présente une lésion érodée, croûteuse au niveau de la région péri-nasale gauche et droite sans dépigmentation. Le prurit est léger mais l’animal présente une douleur importante.

Les hypothèses diagnostiques sont :
– Pyodermite cutanéomuqueuse
– Lupus cutané
– Lymphome cutané T épithéliotrope
– Démodécie
– Leishmaniose

Examens complémentaires

L’examen microscopique du calque par impression montre laprésence de bactéries coccoïdes en position extra cellulaire ainsi que des polynucléaires neutrophiles.
Aucun élément figuré n’est observé à l’examen des produits de raclages cutanés.
L’examen histopathologique des biopsies effectuées au niveau des yeux et de la narine : l’image histologique est identique dans les différentes régions se caractérisant par une
acanthose épidermique avec zones d’érosion et d’ulcération,un infiltrat inflammatoire lichénoïde sévère superficiels’associant à une incontinence mélanocytaire. Il y a présence de quelques pustules à orientation folliculaire. L’inflammation
est lymphoplasmocytaire avec quelques foyers encore
neutrophiliques.

Diagnostic

Pyodermite cutanéo-muqueuse : forme péri-nasale et périoculaire.

Traitement et évolution

Une antibiothérapie orale est mise en place à base de céfalexine (Rilexine®, deux fois par jour, à la posologie de 15 mg/kg) associée à un traitement topique local à l’acide
fusidique sous forme de gel ophtalmologique (Fucithalmic® 1%, deux fois par jour).
La chienne est revue un mois plus tard, les lésions au niveau oculaire et péri-nasale ont régressées, des croûtes sont toujours présentes. Le traitement est maintenu.
Trois mois après le début du traitement, l’amélioration est importante. Au niveau du canthi médian droit, la lésion est guérie. On note une dépigmentation du bord libre de la
paupière inférieure. Les lésions péri nasales et oculaire gauche ont régressé de 90%. Seule l’application topique (Fucithalmic® 1%) est poursuivie deux fois par jour.
Après 1 mois de ce protocole, les lésions ont complètement régressé.

Discussion

Les pyodermites sont décrites en fonction de la profondeur et des structures impliquées.
Les pyodermites de surface et superficielles sont localisées à la surface ou au niveau de l’épiderme. Les pyodermites profondes sont caractérisées par une atteinte du derme, voire
de l’hypoderme. Lors de pyodermite de surface, les germes pathogènes se multiplient de façon anormale à la surface de la peau. Les pseudo-pyodermites sont des dermatoses dont la partie infectieuse est secondaire.
La pyodermite cutanéo-muqueuse ou muco-cutanée est une pathologie rare décrite depuis une vingtaine d’années. La pathogénie demeure incertaine malgré une réponse positive à
l’antibiothérapie suggérant une cause bactérienne (BASSETT,et al., 2004).
Les Berger Allemand (BASSETT, et al. 2004) et leurs croisés, le Caniche, le Bichon, le West Highland Terrier et le Colley semblent des races prédisposées. L’âge et le sexe
ne semblent pas intervenir (DECLERCQ J., 2006).
Les pyodermites cutanéo-muqueuses sont évolutives, les premières lésions se caractérisent par un érythème et un gonflement des lèvres pour évoluer vers des lésions érosives,
ulcératives et croûteuses. Ces lésions sont généralement bilatérales. Une dépigmentation peut apparaître dans les cas chroniques.
D’autres zones peuvent être touchées à savoir la région périoculaire, les narines, la truffe, mais la vulve, le prépuce et l’anus peuvent être touchés (BLOOM P.B., 2009) (DECLERCQ J., 2006). Ces lésions sont faiblement à modérément prurigineuses, mais souvent douloureuses. Une adénomégalie régionale peut être présente.
Quatre présentations ont été décrites par Jan Declercq en fonction de la localisation des lésions comportant chacune un diagnostic différentiel.
De plus, il semble que le Berger Allemand et ses croisés ont tendance à présenter des lésions plus multifocales par rapport aux autres races. (WIEMELT SP et al, 2004).
Le diagnostic est basé sur la topographie lésionnelle caractéristique, l’examen cytologique non spécifique met en évidence une infection bactérienne superficielle. L’examen histopathologique n’est pas pathognomonique. Dans certains cas, il est difficile de différencier un lupus discoïde canin avec une pyodermite cutanéo-muqueuse par l’aspect
histopathologique (WIEMELT SP et al, 2004) (BASSETT, et al.2004).
Le traitement consiste à l’association d’une antibiothérapie
systémique couplée ou non à un topique antibactérien
(HERIPRET D., 2011) (Prélaud P. Et Cochet-Faivre N.)sous forme de pommade ou de crème.
Le traitement local consiste dans un premier temps à tondre les zones atteintes suivi d’un nettoyage à base d’un antiseptique sous forme de shampooing antibactérien
(peroxyde de benzoyle ou de la chlorhexidine). Une fois la zone sèche, on applique un antibiotique local (mupirocine à 2%,acide fusidique) (GAY-BATAILLE B., 2010°. Classiquement, un traitement pendant 3 à 4 semaines suffit à faire disparaître les
lésions.
Lors de récidives ou de résistance à l’antibiothérapie, une culture bactérienne associée à un antibiogramme seront utiles. De plus une cause sous-jacente doit être recherchée
lors de récidives avec les mêmes facteurs prédisposant que pour les pyodermites superficielles (DECLERCQ J., 2006). Les rechutes sont fréquentes, il est alors nécessaire de mettre en place un traitement d’entretien sous forme de topique local.

Dr BERTRAND Ph.
Clinique Veterinaire Janson
Rue Paul Janson 1
4420 Montegnée

Bibliographie:
– BASSETT RJ, BURTON GG, ROBSON DC, Antibiotic responsive ulcerative
dermatoses in German Shepherd Dogs with mucocutaneous pyoderma,
Australian Veterinary Journal, Volume 82, 8, august 2004.
– BLOOM P.B.,Diagnosing and treating canine bacterial
pyodermas(Proceedings),2009.
– DECLERCQ J. Pyodermite des jonctions muco-cutanées (PMC) : syndrome?
(Proceedings) Journées Annuelles du GEDAC, mai 2006.
– GAY-BATAILLE B., Un cas de pyodermite des jonctions cutanéo-muqueuses
atypique(Proceedings), 2010.
– HERIPRET D. Traitement topique des pyodermites bactériennes du chien,Prati
queVet,2011,80,148-152,
– MEDLEAU L., HNILICA A. Pyodermite cutanéomuqueuse, Dermatologie
canine et félin Atlas et guide thérapeutique,2008, 29-30.
– PRELAUD P.,COCHET-FAIVRE N. Précis de pyodermites.
– WIEMELT SP, GOLDSCHMIDT M.H.,GREEK J.S., JEFFERS J.G., WIEMELT
A.P. A retrospective study comparing in the histopathological features and
response to treatment in two canine nasal dermatoses, DLE and MCP, Veterinary
Dermatology, 2004, 15, 341-348.